— Le silence derrière le badge
Il était là, au fond du couloir, uniforme impeccable, regard fixé sur un point invisible.
Quand on lui a demandé : “Ça va ?”, il a souri.Et tout le monde a voulu y croire.Mais entendre ce qui n’est pas dit, c’est ne pas s’arrêter à ce sourire.
C’est percevoir la fatigue dans les gestes, la lassitude dans la voix.C’est voir qu’un collègue autrefois volubile devient soudain discret, que l’humour cache parfois une douleur qu’il ne parvient plus à nommer.
– L’art d’écouter au-delà des mots.
L’écoute active, ce n’est pas simplement entendre.
C’est accueillir.
Accueillir sans juger, sans interrompre, sans chercher à donner tout de suite une solution.
C’est offrir à l’autre un espace où il peut poser ses mots — ou même son silence — sans crainte d’être incompris.
Dans la police, le silence est souvent un réflexe.
Par pudeur, par loyauté, par peur de déranger ou d’être perçu comme “faible”.
Pourtant, ce silence peut devenir une prison intérieure.
C’est là que l’écoute devient un acte de courage.
C’est oser s’arrêter. Oser demander une seconde fois :
“Non vraiment, comment tu vas ?
”Et rester là, présent, même si la réponse ne vient pas tout de suite.
Les signaux faibles, ces murmures du mal-être.
Les détresses ne se crient pas toujours.
Elles se chuchotent dans les détails :
Des retards inhabituels,
Une irritabilité soudaine,
Une fatigue physique qui s’installe,
Une perte d’intérêt pour ce qui passionnait avant.
Ces signes, pris isolément, paraissent anodins.
Ensemble, ils forment un message.
Encore faut-il savoir entendre ce qui n’est pas dit.
“Ce que la bouche tait, le corps finit souvent par le dire.”
Dans le silence, la présence devient une réponse.
Parfois, il ne s’agit pas de parler, mais simplement d’être là.
Un café partagé, un regard qui dure un peu plus longtemps, une main sur l’épaule : des gestes minuscules qui rappellent à l’autre qu’il n’est pas seul.
On sous-estime souvent la puissance du lien humain dans un milieu hiérarchisé et exigeant comme celui des forces de l’ordre.
Mais c’est justement ce lien — sincère, sans posture — qui sauve.
L’écoute n’est pas une compétence à apprendre,c’est une attitude à incarner.
Et après ? Oser guider vers l’aide.
Quand la souffrance devient trop lourde, il faut savoir relayer.
L’écoute ne remplace pas les professionnels, mais elle ouvre la porte vers eux.
Le SSPO, 3114, la SALCA, les assistantes sociales, la médecine de prévention, les cellules d’écoute, les dispositifs comme la Maison Bleus : tous ces relais existent.
Les connaître, c’est être prêt.
Les nommer, c’est normaliser le recours à l’aide.
Les utiliser, c’est agir.
Dans les commissariats, les brigades, les couloirs des services, la souffrance se cache parfois derrière des uniformes impeccables.
Entendre ce qui n’est pas dit, c’est refuser que le silence gagne.
C’est affirmer qu’au-delà des procédures, il y a des hommes et des femmes, avec leurs fêlures, leurs colères, leurs nuits blanches.Écouter, c’est déjà prévenir.
Écouter, c’est déjà protéger.
Écouter, parfois, c’est sauver
Écouter c’est pouvoir guider effectivement vers les ressources les plus adaptées.


